Après chaque mouvement de revendication susceptible de capoter son pouvoir, Jovenel Moïse invite à dialoguer pour résoudre les problèmes du pays. Le dialogue est entendu comme un palliatif pour guérir la maladie, le soif du pouvoir de Jovenel Moïse.
À chaque fois que la démission s’offre à lui comme seule alternative à la crise, le président appelle au dialogue et rend tout le monde responsable des maux de la République, tout en invoquant paradoxalement son incapacité et son dévouement à prendre des mesures susceptibles de soulager la misère des couches défavorisées.
Dans son adresse à la nation de ce mercredi 25 septembre 2019, Jovenel Moïse évoque la nécessité de mettre en place un gouvernement d’union nationale; seul, selon ses dires, capable de résoudre les problèmes du pays. Une adresse qui se fait à 2 heures du matin, au moment où la majorité de la population était entrain de dormir. L’heure en dit long.
Après sept mois d’impasse pour installer un gouvernement, et après plusieurs manifestations exigeant son départ, Jovenel Moïse s’accroche à son pouvoir. Pour y parvenir, il utilise l’appel au dialogue pour gagner du temps.
« Je tends ma main à toutes les forces vives de la nation afin de former ensemble un gouvernement d’union nationale, capable d’adresser les problèmes urgents du pays comme les élections, la Constitution, la reddition de comptes sur l’utilisation de l’argent de l’Etat, réforme identitaire, réforme dans l’énergie », soutient Jovenel Moïse.
Ce gouvernement reflèterait les aspirations de toute les “forces vives” de la nation. Et selon le président, qui refuse une fois de plus de démissionner comme l’exige la majorité de la population, ce gouvernement n’est possible qu’à partir d’un dialogue serein et sincère entre les Haïtiens. Pendant qu’il ne cesse de mentir à longueur de journée eu égard à ses promesses non honorées.
Depuis son arrivée au pouvoir, le président prône le dialogue qui, jusqu’à date, peine à se réaliser. Il a même créé plusieurs commissions afin de rallier tous les secteurs de la vie nationale autour d’une table pour adresser les problèmes du pays.
Cet appel au dialogue paraît comme un outil qu’utilise Jovenel Moïse pour refuser de démissionner. On a droit à son numéro d’homme consensuel à chaque revendication susceptible de capoter son pouvoir.
Cet appel se fait toujours pour calmer la colère et la rage des citoyens et citoyennes qui cassent et brisent lors des manifestations. Conscient qu’il ne peut en aucun cas réaliser ce dialogue à cause des affronts, des clivages et des divergences entre les parties prenantes, Jovenel Moïse demande une “trêve historique”, pour la reprise des activités dans le pays, paralysé depuis plus d’une semaine.
“Toutes les dispositions seront prises pour la reprise des activités dans le pays”, a-t-il affirmé.
Il en profite pour réitérer ses promesses. Il a promis de remédier aux désordres au sein de l’administration publique.
Il gagne du temps en appelant à la concertation de tous. Pendant qu’il n’est pas prêt à discuter sur la corruption, l’un des points fondamentaux de la revendication populaire. D’ailleurs, il aborde vaguement la reddition de comptes sur l’utilisation de l’argent d’État.
« Si la violence et les casses pouvaient construire Haïti ! Si ôte-toi que je m’y mette pouvait construire Haïti ! Si empêcher les enfants d’aller à l’école pouvait construire Haïti…on l’aurait déjà fait depuis ces 30 dernières années », a déclaré le chef de l’État dans son adresse à la nation, proposant aux acteurs de rechercher maintenant « des accords sur nos désaccords, une entente sur nos mésententes».
Des petrochallengers ont bien souligné à ce propos qu’il n’y aucun moyen de discuter avec une personne impliquée dans la corruption. Et que la personne devrait se rendre par devant la justice pour s’expliquer.
Dans son adresse à la nation, le chef de l’État soutient qu’on devrait avoir “le courage de nous unir, le courage d’outrepasser nos adversités”, pendant qu’il est incapable d’entendre les cris des citoyens et citoyennes réclamant sa démission.
Évoquant le désespoir des couches défavorisées, et les mesures nécessaires à prendre pour changer les conditions de vie des gens, l’adresse à la nation s’enlise dans un aspect prophétique soulignant qu’. Comme si le pays restera débout et vivant même si on ne fait rien, même si on vole les ressources de l’État, même si on pratique la corruption.
Le dialogue est entendu comme seule porte de sortie à la crise qui sévit dans le pays. “Une meilleure Haïti n’est possible qu’à partir d’un dialogue entre les Haïtiens”, a-t-il soutenu le 18 mai 2019, lors de la commémoration du 216e anniversaire du bicolore haïtien.
Après le phénomène “peyi lòk” en février 2019, le président faisait le même appel, ignoré par de nombreux secteurs. Pourquoi fait-il toujours appel au dialogue au moment où son pouvoir est au bord de l’abîme ?
Cela laisse entendre qu’il n’y a que les manifestations qui puissent réveiller la conscience du président concernant les problèmes du pays.
Si tant est que le dialogue soit essentiel à tout exercice politique, l’appel au dialogue de Jovenel Moïse consiste à masquer les véritables revendications de la population. Si bien que dans ses communications de crise, Jovenel Moïse veut simplement calmer la colère populaire en usant de fausses promesses.