De l’intellectualisme à l’amateurisme politique. Un travers pour le Rassemblement des Démocrates Nationaux Progressistes (RDNP) qui faisait office d’un parti politique priorisant la connaissance et qui comprenait la politique comme une science et une pratique sociale capable de garder le sens authentique de l’humanité de l’être humain. Qui n’avait pas envie d’écouter Leslie François Manigat, ce grand homme qui a marqué et marquera encore l’intelligentsia haïtienne ?
La politique fut cet espace de discussion approfondie sur le bien-être d’une formation sociale; haut lieu pour penser la société.
Depuis la mort de François Manigat, ainsi que les échecs électoraux de Mirlande Manigat, le parti politique RDNP emprunte une voie, tout à fait impensable et inimaginable, dans son histoire avec la propulsion de Éric Jean Baptiste à sa direction.
La propulsion de Père Éternel Loto à la tête du RDNP, pour le moins bizarre et suspecte, explicite le fait que l’argent est au sommet. Et que tout est marchandise, pour citer Karl Marx. L’on peut tout acheter. Ou tout est vendable.
La connaissance, la conscience, la conviction et l’idéologie ne sont que des mots vidés de leur sens, ou qui sont polysémiques. Mais qui à force d’être polysémiques, n’ont aucun sens substantiel.
Comment Éric Jean Baptiste a pu devenir secrétaire général du Rassemblement des Démocrates Nationaux Progressistes (RDNP)?
À y regarder de près, l’argent semble être le plus grand support de l’homme d’affaires à un tel parti. Essuyer des échecs après le coup d’État perpétré contre l’ancien président Leslie François Manigat en 1988, fondateur du RDNP, le parti, comme tout autre, qui aspire à prendre le pouvoir afin de mettre à exécution leur projet de société, semble essouffler. Surtout dans une société où le discours des gens dits “intellectuels” est ignoré. L’on peut même dire qu’il y a une crise du discours de la part des “intellectuels” à charmer le peuple lors des campagnes électorales. Leur discours ne coïnciderait pas aux attentes de la population ; ou que le peuple n’arrive pas à comprendre pour se sentir concerner par de tels discours.
Devant ce fait accompli, les autorités du RDNP, trop longtemps écartées du pouvoir, sembleraient trouver une personne en l’occurrence Éric Jean Baptiste qui peut jouer le jeu de la politicallerie. Une politique qui toucherait la population plus que la politique saine tablant sur la raison sociale, sur le nécessaire. En ce sens, le contingent subsume le nécessaire. Et la superficialité constitue le fondement de l’action politique. D’ailleurs, la propulsion de Père Éternel Loto à la tête du parti, engendre un air nouveau, une autre direction. Direction vers la politique ayant pour tablature l’indécence, la superficialité, la contingence. En effet, RDNP emprunte la même voie que les autres partis politiques – PHTK, AAA, etc. pour convoiter le peuple. Et Éric Jean Baptiste, avec ses sommes d’argent, semble à juste titre être un bon joueur pour jouer sur ce terrain où le combat n’a aucun règle. Un terrain, où l’on peut franchir toutes les lignes, d’ailleurs, il semble ne pas en avoir.
L’intellectualité ne fait pas bon ménage avec la logique électoraliste dans le contexte haïtien, peut-on supposer en nous basant sur les échecs de Anténor Firmin face à Nord Alexis, Louis Déjoie face à François Duvalier, plus prêt de nous, François Manigat face à René Préval, Mirlande Manigat face à le fameux Michel Martelly. Pourquoi ? Peut-être qu’une anthropologie politique nous permettrait de cerner les enjeux d’un tel “phénomène”. Il apparaît que la société rejetterait les intellectuels, ou de manière plus large les “scientifiques”. L’on peut surligner à juste titre que le rapport entre la nation haïtienne avec la science n’est pas tout à fait tracé et clair. Et la politique devient l’affaire des plus odacieux, corrompus qui n’ont pas le verbe eu égard à la responsabilité citoyenne. Plus on est corrompu, plus on a la chance de devenir une personnalité politique occupant des postes à responsabilité. Plutôt ironique, non!
De là nait la course à l’indécence qui trouve ses fondements dans la manipulation, l’exploitation, le matraquage. Le mensonge, la langue de bois remplacent la vérité et le franc parler. Or, la vérité est ce qui fonde tout rapport humain, comme le soutenait Wilhelm Dilthey, “la vérité est publique”. Et le respect de la parole est ce qui garantit la confiance au sein de la société. Dans ce jeu d’intérêt mesquin (la politique), chaque parti cherche à trouver une personne qui soit capable de répondre aux critères de la politique haïtienne. Il y a même urgence d’en trouver une. L’on peut “comprendre” pourquoi le RDNP avait fait choix de Éric Jean Baptiste pour être son secrétaire général. Peut-être qu’il peut réussir là où a échoué Mirlande Manigat. En tout cas, le contexte lui semble jusqu’à présent favorable, et il l’exploite, pourrait-on dire.
Si le RDNP construisait sa réputation à partir de ses positions de principe, légales et républicaines, aujourd’hui, la donne change. L’argent semble remplacer le discours politique. La politique n’est plus cet espace de discussion, au sens Harbermassien du terme, et devient un arène où l’argent consistuerait le seul moyen valable. La direction qu’emprunte le parti avec Éric Jean Baptiste coïnciderait à la logique “qui finance commande” ? Le directeur de borlette traîne le parti, comme s’il l’a acheté. Ses actions et ses déclarations le prouvent.
L’on se rappelle de ses déclarations virulentes sur le dossier PetroCaribe.
‘’Jovenel Moise est la souris convoitée par des rats incarnés par le secteur privé, des politiciens malhonnêtes. Je regrette que les Petro Challengers défendant la vérité soient engagés dans un terrain inconnu. Tout a été planifié pour que des membres de l’opposition impliqués dans le dossier Petro Caribe s’octroient de l’amnistie générale après la démission du Chef de l’État”, révèle Éric Jean Baptiste se gardant par enchantement de citer ses sources, rapporte le journal RezoNòdwès. ‘’Il est clair après que la stratégie visée par les protagonistes à la crise soient définies dans un plan bien charpenté. L’irritant à la concrétisation du but visé par les opposants au pouvoir en place demeure Jovenel Moise qu’il faut éliminer sur la scène’’, signale Éric Jean Baptiste, a écrit l’agence en ligne.
Des déclarations qui ont poussé la secrétaire générale adjointe aux affaires internationales, Natacha Daciné, en date du 21 juin 2019, à écrire aux autres responsables en les proposant d’organiser une convention nationale extraordinaire au plus tard le 29 juin 2019 en vue de fixer la position officielle du parti dans cette conjoncture. Cette convention viserait à fixer la position officielle du parti. Une position claire et ferme, émanant de ses différentes entités, a écrit Natacha Daciné, qui en disant cela, écarte la position du secrétaire général de celle du parti.
“Le RDNP, après 40 ans d’existence, est devenu un patrimoine national à sauvegarder au-delà de toute particularité, croit comprendre Daciné, a rapporté le journal Vant Bèf Info (VBI). Pourquoi laisser un tel patrimoine aux mains de Éric Jean Baptiste ?
VBI a également souligné que les déclarations virulentes de Père Éternel Loto ont provoqué la démission de l’Avocat du parti RDNP, Me Jean Ronel Sistanis.
Des branches régionales du parti ont obligé de rectifier le tir et solidariser avec leur secrétaire général.
Quand l’on ne met pas l’homme qu’il faut à la place qu’il faut, cela nous oblige toujours à rectifier le tir. L’on cherche toujours à réparer les dégâts, et du coup, l’on devient l’avocat du diable en défendant l’indéfendable, en cherchant à réparer l’irréparable. C’est à cette vaine quête que se sont lancées les différentes branches du parti, à travers le pays, et à l’étranger.
Bon stratège en qui a trait à la politique haïtienne, Éric Jean Baptiste veut saisir la crise sanitaire du COVID-19, comme tant d’autres d’ailleurs, pour construire un momentum politique. Il fréquente plusieurs endroits sous les projecteurs de la presse, il investit de fortes sommes d’argent sous forme de don, dans la lutte contre le COVID-19. Se faire paraître ou contribuer à la protection de la vie de la population, qu’est-ce qui intéresse le RDNP de Père Éternel Loto. La vie de la population intéresse-t-elle vraiment Éric Jean Baptiste ?
Sa déclaration en date du 14 avril peut nous aider à cerner les logiques de ses “dons”. “Quelqu’un qui aspire à diriger doit aider dans ces situations particulièrement difficiles”, a-t-il confié, en faisant un don (RDNP, Fondation Éric Jean Baptiste, Père Éternel Loto) de 57 millions cinq cents milles gourdes à l’État haïtien dans la lutte contre la pandémie Covid-19. Une bonne action, d’ailleurs.
Éric Jean Baptiste descend dans les rues pour distribuer les kits sanitaires. Passé sous couvert d’aide, le secrétaire général du RDNP met ses photos accompagnées du logo du RDNP et de sa Fondation sur les récipients d’eau donnés à la population.
En pleine crise sanitaire, Éric Jean Baptiste fait campagne, dit-on. D’ailleurs, il se vante d’être en campagne. Les politiques, les chefs des partis politiques, les aspirants hommes et femmes d’État inscrivent leur « action » dans la logique : « en politique, toute crise doit être exploitée ». Et ce, ajoutons-nous, à n’importe quel prix.
Dans ce combat, instaurant parfois l’indécence et la déshumanisation comme règles, les gagnants sont ceux qui dépensent plus d’argent, distribuent plus de kits, en un mot qui font plus de don. Sachant que selon Marcel Mauss, le don traduit une forme de prestige du donateur et en même temps fragilise celui du donataire. Celui-ci, dit Mauss, se trouve dans l’obligation de donner ce qu’il a reçu. Cela dit, en donnant des kits sanitaires, les politiques attendent le vote du peuple. Toutefois, contrairement à la thèse de Mauss, cela ne garantit aucun prestige au peuple même en donnant la contrepartie de ce qu’il a reçu.
Le don comme prestige social participe à décapitaliser les groupes les plus faibles, c’est-à-dire ceux qui ont le moins à donner. D’où s’instaure la concurrence entre les donateurs. Concurrence, en politique, déloyale qui garantit quand même une popularité.
Faut rappeler que dès son élection à la tête du RDNP le 16 août 2018, Éric Jean Baptiste, soutenait que le parti “marche vers le pouvoir”. Cette marche inclurait-elle de traîner le parti au bord du précipice ? Peut-être que s’accaparer du pouvoir par n’importe quel moyen est ce qui importe pour les dirigeants du RDNP. Le prix du pouvoir nous fait faire des bêtises, des choix, des compromis qui vont parfois à l’encontre de nos principes fondamentaux.
Que la politique retrouve son sens authentique où l’humanité est ce qui intéressera ou sera à la base de toute action.