Si les pré-facs constituent un espace d’orientation et de (formation) permettant à des bacheliers de franchir les portes de l’Université, elles traduisent en même temps les symptômes d’une nullité prémonitoire suite aux nombreux malaises du système éducatif haïtien. Ce n’est pas un secret que la qualité “scientifique” et “intellectuelle” des élèves laisse à désirer. Il faut donc cesser l’hypocrisie et toucher directement la plaie.
Les pré-facs symbolisent le lieu ou l’on se rend compte que le jeune qui a passé son cycle d’études secondaires en Haïti, le plus souvent, n’arrive même pas à la cheville d’un écolier de 3e cycle (cours élémentaires et moyens) en France. Ces aspirants étudiants, victimes de l’intoxication de notre système éducatif, mettent à nue le fondement même de l’apprentissage en Haïti, tout en indiquant l’urgente nécessité de repenser l’éducation dans toute sa splendeur.
La triste nouvelle est que nos élèves en classe terminale n’arrivent même pas à faire une phrase soutenue, ou n’ont presque qu’aucune idée ni d’informations fondamentales sur l’histoire d’Haïti. Si bien qu’un postulant a souligné lors d’un test dans une pré-fac que Jean Jacques Dessalines fut un président sous l’Occupation américaine d’Haïti (1915-1934).
Ce mauvais état pourrait être à la base de la déclaration du député Claude Lesly Pierre lorsqu’il accorde la nationalité française à Socrate, et en étant convaincu qu’il l’a étudié en littérature française. L’éducation comme étant un moyen pour penser, réfléchir ou (ré) produire la société, tant pour la génération présente et future, s’enlise dans les méandres du mal-être. Quelle serait l’utilité de l’éducation, si elle ne permet pas à des gens d’avoir la capacité de penser par eux-mêmes ?
Résultant de la massification ou la prolifération démesurée des écoles, cet état de délabrement s’explicite par l’irresponsabilité de l’État à organiser l’éducation afin qu’elle réponde à l’une de ses principales fonctions, celle de former des citoyens, des êtres capables de réfléchir sur l’avenir de la société, et du coup apporter leur contribution à la construction ou l’organisation de la vie sociale.
Mais quand on regarde et constate le niveau des élèves en classe terminale qui, malgré eux, seront les futurs dirigeants, l’on devient à coup sûr sceptique eu égard à l’avenir de ce pays. Les lacunes sont si énormes qu’on se demande, avec le plus grand scepticisme, est-ce qu’elles seront en partie comblées. Ou plus fondamental encore, comment certaines personnes puissent franchir la barre du baccalauréat ? L’ampleur des lacunes est à la mesure de l’indignation. Et la situation est particulièrement scandaleuse.
Toutefois, il est impossible dans l’espace d’un mois de combler les manques d’environ 16 années. Face à ces lacunes, les pré-facs se jettent dans les dédales démiurgiques en essayant de faire le plus que possible tout en sachant qu’il est impossible de remonter cette pente; laquelle pente explicite fort bien l’échec du programme du nouveau secondaire qui n’a pas rempli l’une de ces fonctions, celle d’orienter les élèves. Ce problème d’orientation empêche aux bacheliers de connaître leur capacité eu égard à des domaines spécifiques. Et à cela s’ajoute le manque de connaissance sur plusieurs domaines (les sciences humaines par exemple) qui les plonge dans une confusion à choisir une faculté qui répond à leur ambition. Certains s’engagent, parfois sous des pressions familiales, à s’intéresser à des domaines pour lesquels ils n’ont pas d’aptitude.
Cette vassalisation de l’éducation ou son mauvais état trouve aussi son fondement dans le fait de transformer les établissements scolaires en des espaces d’enrichissement où les responsables se contentent d’augmenter les prix de la scolarité au lieu d’accorder de l’importance au contenu diffusé.
Sans mentionner les différentes manifestations qui paralysent très souvent les années académiques. L’État, placé au dessus de la mêlée (conception classique de l’État-nation), donne carte blanche aux responsables d’école de faire bon leur semble. Et l’inspection scolaire qui devrait s’intéresser au bon fonctionnement des écoles brille par son absence, pour ne pas dire, son inexistence.
Dans cet exercice louable (pré-fac) qui, parfois se révèle périlleux par rapport à l’intérêt accordé, certains accompagnateurs se font passer pour des seigneurs en banalisant la “capacité” des postulants ou en s’attaquant à leur personne au travers des violences verbales. Malgré les différents problèmes qui résultent des pré-facs, elles nous permettent de faire un diagnostic du système éducatif.